Nous vivons dans une société qui accorde beaucoup de valeur à l’apparence. Les images que nous décidons de publier sur les réseaux sociaux sont soigneusement choisies pour nous faire bien paraître. En même temps, c’est normal, qui aimerait exposer sa pire image au grand publique? Nos moments de vulnérabilité sont rarement ceux qui nous font paraître fort. Pourtant, c’est durant les moments difficiles qu’on apprend à mieux se connaître. Les mauvais passages de la vie nous forgent et nous font grandir. En course à pied, il est primordial de rencontrer des moments ardus pendant nos entraînements en vue d’affronter les défis que nous nous sommes fixés dans l’année. Notre vulnérabilité est un outil précieux en vue d’atteindre nos objectifs. Alors pourquoi ne pas l’exploiter?
Pour être honnête, j’ai toujours pensé qu’être vulnérable était une faiblesse. J’ai longtemps vu mon cœur malade comme un boulet face aux rêves que j’avais. Encore plus lorsque je suis sorti de ma dernière opération en 2013. J’ai un cœur souffrant depuis la naissance, mais les années qui suivirent ma dernière chirurgie ont été particulièrement éprouvantes. Ma forme physique devait être reconstruite au complet et bien honnêtement, je ne savais pas par où commencer pour y arriver. Pour tout vous dire, on ne se relève pas de plusieurs mois d’alitement comme on se relève d’une grippe, et on ne se remet pas d’un passage aussi difficile à l’hôpital comme on se remet d’une mauvaise journée au travail. Je dois vous avouer que ça m’a pris des années avant de faire confiance à l’état de mon cœur. Je pense entre autres à cette fois où ma femme et moi avions prévu aller monter le Mona Kéa à Hawaï en 2017. Ceux et celles qui me connaissent savent à quel point j’adore être en montagne. Cette journée-là, nous étions partis pour grimper le plus haut sommet d’Hawaï, 4 ans après m’être fait opérer. Alors que je pensais que mes problèmes cardiaques étaient plutôt derrière moi, une crise de panique est venue me frapper de plein fouet à quelques centaines de mètre du sommet. Étant certain que mon cœur était en train de lâcher, nous avions dû rebrousser chemin et mettre un terme à notre ascension. Je peux vous confirmer qu’à ce moment, je ne voyais pas ma vulnérabilité face à ma santé comme un atout, bien au contraire. J’ai longtemps vu cette journée comme une défaite dans ma vie. J’ai souvent repensé à ce moment que je considérais comme un échec. Comment allais-je entreprendre la suite de ma vie, moi qui adore l’aventure en montagne ?
L’option 1 était de me dire que j’allais limiter mes sorties en milieux sauvages et que, puisque mon cœur vulnérable me limitait dans ce que je voulais entreprendre, rester chez moi était bien plus réconfortant. L’option 2 ? Prendre cette journée comme une journée d’apprentissage et mieux me préparer lors de mes prochaines sorties en arrière-pays. Pour être bien honnête, je n’ai jamais envisagé l’option 1.
En 2021, j’ai entrepris l’objectif de courir mon premier ultra-marathon. Un défi qui allait me faire traverser 42 kilomètres dans les montagnes de Charlevoix. Un pari beaucoup plus grand que celui de monter le Mona Kéa à Hawaï. La possibilité de faire une crise d’anxiété durant la course devait être éliminé et je devais me servir de mon expérience de 2017 à mon avantage. J’ai eu plusieurs discussions avec ma cardiologue pour m’assurer que mon cœur pouvait tenir le coup sur une telle distance. Je me suis entouré d’un entraîneur et j’ai suivi son plan à la lettre pour certifier que mon corps allait être assez solide pour passer la ligne d’arrivée. Finalement, je me suis entouré de personnes que j’aime pour courir la course. Mon défi allait devenir notre défi, et nous allions nous embarquer dans cette aventure ensemble. Ma femme, mon frère, un de mes amis et moi sommes partis ensemble sur la ligne de départ le matin de la course. Nous avons tous traversé la ligne d’arrivée en fin de journée, le sourire fendu jusqu’aux joues. Quelle expérience incroyable !
Avec du recul, je crois que cette crise de panique à Hawaï m’a fait découvrir l’importance d’une bonne préparation physique et mentale. Je sais aujourd’hui l’importance de bien se connaître pour avoir la confiance en notre réussite. Vous voyez, depuis ce jour, je juge que notre vulnérabilité peut jouer un rôle crucial dans les défis que nous entreprenons. Je soupçonne que derrière chaque athlète, chaque aventurier et chaque entrepreneur qui parviennent à leurs accomplissements, se trouve une vulnérabilité cachée. Une vulnérabilité qui joue en la faveur de ceux et celles qui savent la dompter.
Donc le prochain coup que vous vous sentirez vulnérable (peut-être lors de votre préparation pour l’une des distances du Marathon Beneva de Québec), ne soyez pas prompts à voir cette expérience comme négative. Ce n’est peut-être pas le genre d’expérience qu’on souhaite étaler sur les réseaux sociaux, mais rappelez-vous que c’est exactement à ce moment que vous apprendrez à mieux vous connaître. Passage obligé pour mener vos prochains défis à bon port.
Pierre-Luc Cartier, ambassadeur Je Cours Qc